Il est des organisateurs qui décident de s’écouter. À ne pas répéter un format mais inventer le sien, ceux-ci franchissent le pas – de côté. Le transversal s’invite alors et une course différente part en pays barré. Lieux incongrus, pratiques extravagantes, épreuves impossibles : tour d’horizon de la course à pied autrement, à potentiel déjanté.
Barrez-vous des sentiers battus
Courir, ou le sport souvent loué comme le plus simple au monde : il ne requiert quasi aucun matériel, il peut se pratiquer seul, n’importe où, n’importe quand, avec des règles qui tiennent sur un post-it. Bon, ça, c’est pour la version de base. Mais parfois, lorsqu’un esprit taquin vient mélanger les cartes, de drôles d’idées surgissent.
Courir là où on ne devrait pas
Courir dans les déserts, courir sur les pôles, courir à haute altitude, courir sur les flancs de volcans… Les épreuves qui s’aventurent dans des lieux hostiles sont aujourd’hui légion. On peut penser au Marathon des sables bien sûr, sans doute l’épreuve emblématique de ce genre, né en 1986, et consistant à courir 250 km au cœur du Sahara, lieu inhospitalier s’il en est ; mais il y en a bien d’autres : Yukon Arctic Ultra (jusqu’à 692 km au nord-ouest du Canada, et surtout jusqu’à moins 50°C), Ultra 333 (3 cols à plus de 5000 m en Himalaya), Iceland Volcano Marathon (un marathon entre geysers et volcans en Islande), etc.
Le point commun de toutes ces épreuves : elles se déroulent dans des endroits clairement hostiles à l’homme, mais magnifiques. Or il existe d’autres épreuves qui, elles, sont nettement moins glamour. Le Running Duplex A86 n’a eu lieu qu’une fois, en 2016, à l’occasion de la première fête de l’autoroute ; cette épreuve proposait de courir 10 km… dans le tunnel autoroutier situé à Rueil-Malmaison ! 2200 non-claustrophobes ont répondu à l’appel du tunnel, étonnés par le manque d’air au plus profond de l’édifice. L’avantage de cette course : il pleuvait à seaux ce jour-là, mais personne n’a été mouillé. Dans le même genre mais en plus confidentiel, l’Ultra Tunnel à Bath, en Angleterre, propose de courir sous terre la bagatelle de 321 km (200 miles) en aller-retour dans un tunnel long de 1.8 km. Vous avez tout de même le droit à une lampe frontale la nuit quand le tunnel est complètement noir. Une quarantaine de participants tente le coup chaque année, pour un taux de réussite de 5%. La barrière horaire : 55 heures. La grosse difficulté outre la distance : la privation sensorielle. Déboussolés, hallucinés, aveuglés, les participants ne peuvent même pas s’évader musicalement ou compter les kilomètres, puisque montres et écouteurs sont interdits.
Toujours dans le trip des courses enfermées, mais cette fois plus « pentues », les courses d’escaliers sont aussi bien barrées. Comme leur nom l’indique, il s’agit de courir dans des cages d’escaliers, la plupart du temps dans des immeubles, mais parfois dans des monuments célèbres, comme avec la Verticale de la Tour Eiffel : 1665 marches, soit 276 m de dénivelé. Les records ? Un peu moins de 8 minutes chez les hommes, et de 10 chez les femmes. L’astuce pour performer ? Tirer comme un malade sur la rampe avec les bras pour soulager les jambes. Et évitez de vous entraîner quand la tour est ouverte aux touristes ! Ces épreuves ne sont pas nouvelles, puisque la première course dans les escaliers de la Tour Eiffel a eu lieu en 1905. Depuis 2009, il existe même un circuit international de Tower Running, avec ses propres champions, comme Thomas Dold, qui s’est également illustré en course en montagne et en course… à reculons. Et pour les amateurs du genre, direction l’Allemagne à Radebeul pour un 24 heures de course à pied dans une immense volée de marches en plein air. Les meilleurs parviennent à faire 100 allers-retours en 24 heures, soit près de 40000 marches, ce qui représente le dénivelé de l’Everest (8848 m positif et négatif). Sinon il y a un ascenseur.
Courir contre quelque cose
Dans une épreuve de course à pied, on a généralement une ligne de départ et une ligne d’arrivée, le but étant de parcourir le plus vite possible le trajet entre les deux. Mais parfois, le concept diffère : avec les Foulées du Gois, en Vendée, vous courez contre la marée montante. Le parcours emprunte les 4000 m du passage du Gois, précisément au moment où la marée montante est en passe de le recouvrir – vous avez déjà dû voir des photos de ces voitures prises au piège par la marée. Sur les Foulées du Gois, les coureurs les plus rapides en terminent les pieds mouillés, mais pour les traînards, attention à ne pas boire la tasse.
Dans le même genre mais en moins humide, la Wings for life World Run vous propose de courir contre une voiture. Course caritative se disputant depuis 2014 en mai, cette épreuve se déroule simultanément dans plus de 30 pays dans le monde entier. Au top départ, tous les athlètes se mettent en route, ne sachant pas quelle distance ni combien de temps ils vont courir ! Trente minutes après le départ, une voiture, la « catcher car », démarre sur le même parcours que les coureurs à 14 km/h. Puis chaque demi-heure, elle accélère d’1 km/h. Quand un coureur est rattrapé, il est éliminé : la course est terminée, il peut rentrer chez lui (en courant ?). La dernière coureuse et le dernier coureur en lice sont les vainqueurs locaux, et il y a également un vainqueur mondial. Bien sûr, le jeu n’est pas forcément égal, les parcours et conditions étant différents selon le pays où vous courez (dénivelé, sol, météo). En 2023, plus de 206000 personnes ont participé à l’épreuve mondiale, les vainqueurs parcourant 55 km chez les femmes (Kasia Szkoda, Pologne) et 69 km chez les hommes (Jo Fukuda, Japon). Petit exercice de maths : à quelle vitesse roulait la voiture quand elle les a rattrapés ?
On peut donc courir contre une voiture, mais aussi contre un cheval. Évidemment, on a tous en tête l’exemple de la Western States Endurance Run, la plus vieille course de 100 miles au monde. Créée en 1955, la Western States est, initialement, une course de chevaux ; mais en 1974 un vétéran de l’épreuve, Gordy Ainsleigh, ne peut prendre le départ avec son cheval, blessé. Il décide alors de participer à pied, et contre toute attente, il parviendra au bout des 100 miles en un peu moins de 24 heures. Ce précédent a donné des idées à des organisateurs de course qui chaque année font se confronter hommes et chevaux : les « Man versus Horse Marathon », une demi-douzaine d’événements annuels dans le monde, proposent aux coureurs, et aux chevaux lestés de cavaliers, de parcourir environ 35 km sur des terrains très variés. Bon, on va couper tout suspense : c’est souvent le cheval qui gagne, voire presque toujours. Exception en 2022 : Ricky Lightfoot bat le meilleur cavalier de deux minutes. Évidemment, être Champion du Monde de course en montagne, ça aide.
Enfin, dans le monde des courses contre quelque chose, la reine est sans doute la course à l’élimination : Last Man Standing, Backyard Ultra, Infinity Trail… Ces épreuves ont fleuri depuis 2011, lorsque Lazarus Lake, le fameux Américain à la barbe fleurie et aux idées toutes plus tordues les unes que les autres, a lancé la première épreuve de ce type. Le principe : vous devez parcourir une boucle de 6.706 km en une heure maximum. À chaque heure précise (10h00, 11h00, 12h00, etc.), un nouveau départ est donné, et vous devez de nouveau terminer la boucle en moins d’une heure, pour reprendre le départ suivant. Cette petite farce dure jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un participant, qui est victorieux, et accessoirement bon pour marcher comme un vieillard pendant trois jours. Pourquoi 6.706 km ? Parce que cette distance multipliée par 24 donne 100 miles. 24 heures, 100 miles, tout un symbole. Le pire dans cette épreuve (torture ?), c’est que ça marche fort ! La Backyard d’origine s’est multipliée comme des petits pains, et s’organise désormais en un circuit mondial plein de spécialistes capables de tourner plus de quatre jours. Oui, quatre jours de course avec seulement quelques minutes chaque heure pour manger, aller aux toilettes, se reposer. Une antichambre de l’enfer ?
Ces courses impossibles
Et tant qu’à partir en sucette, pourquoi ne pas carrément inventer des courses impossibles à terminer ? Le même Lazarus Lake, inspiré par l’évasion en 1977 de l’assassin de Martin Luther King du pénitencier d’État de Brushy Mountain, a créé une épreuve de bargeots. En effet, le prisonnier, en 55 heures de fuite dans les bois, n’a réussi à s’éloigner que de 13 km ! Il faut dire que les environs du pénitencier ne font pas dans la dentelle : ravins abrupts, ronciers dantesques, rivières gelées, et éventuellement un ou deux cougars affamés… Finalement le type a regretté sa cellule, et s’est fait choper fissa. Laz, lui, s’est dit que quand même, ce fuyard n’était pas bien doué, et que lui aurait au moins parcouru 100 miles pendant le même temps. Voilà donc en 1995 la première édition de la Barkley : réaliser au moins 100 miles en 5 boucles identiques, en 60 heures maximum, dans le terrible parc de Frozen Head, sur un parcours non balisé. Les petites facéties de Laz : disséminer des livres sur le parcours dont il faut ramener la page correspondant à votre numéro de dossard, faire progresser les coureurs hors sentier, interdire toute assistance en dehors du camp de base, ou encore ne pas donner à l’avance l’heure de départ. Oui, on est joueur dans le Tennessee. Bref, depuis 1995, seuls 17 hommes ont terminé la Barkley (et zéro femme pour le moment), soit moins de 2% des personnes ayant pris le départ.
Adaptation de la Barkley en France, la Chartreuse Terminorum propose quant à elle un parcours plus sage (sic) de 300 km et 25 000 m de dénivelé positif à effectuer en 5 boucles également, en 80 heures maximum. Là encore, des pages de livres à récupérer, une heure de départ inconnue, et une sonnerie au mort lorsque vous abandonnez. Initiée en 2017 par Benoit Laval et deux de ses comparses dérangés, il a fallu attendre 2023 pour voir non pas un, mais cinq Finishers (lire l’interview de Sébastien Raichon) ! Nul doute qu’en 2024, Benoit aura à cœur de durcir les conditions…
Courir en plein délire
Outre ces épreuves hors normes, il existe d’autres manières de courir bien barrées, voire carrément délirantes. On peut penser bien sûr aux courses à obstacles – Spartan, Mud Race, Frappadingue pour les franchises, mais aussi des dizaines de déclinaisons locales du fameux parcours du combattant que plus jeunes nous cherchions à tout prix à éviter en nous faisant déclarer P4 (si vous avez moins de 48 ans, vous risquez de ne pas comprendre). Au programme : boue, barbelés, murs abrupts, et ambiance très compétitive devant, et très bon enfant derrière. En variante, on peut trouver l’équivalent de ces parcours du combattant, mais en binôme : sur l’Eukonkanto en Finlande, un homme porte une femme sur un parcours de 300 m comportant deux obstacles et une rivière. À vous de concevoir votre technique de portage. La motivation : remporter le poids de la coéquipière en bière. Très classe.
Toujours en Finlande, mais moins « bûcheron », la Nakukimpii est course naturiste qui fait le désespoir des vendeurs de textiles techniques. C’est un 10 km où vous avez juste le droit de porter des chaussures, des chaussettes, et une casquette. À noter qu’en France, on a aussi la possibilité de se balader les attributs à l’air sur de très rares épreuves – autre pays, autres mœurs.
Il existe aussi des courses singulières qui ne dépareilleraient pas au planning d’activités d’un asile d’aliénés. Un seul exemple mais qui vaut toutes les démonstrations : le Cooper’s Hill Cheese-Rolling and Wake. Il faut vraiment que vous alliez sur YouTube ou une autre plate-forme vidéo pour vous rendre compte du phénomène. Cette « course » est une tradition locale se déroulant à Brockworth en Angleterre ; prenez un champ en très forte pente et plein de trous, lâchez tout en haut un Double Gloucester, un fromage à pâte dure de 3.2 kg, puis lancez à ses trousses une meute de coureurs (alcoolisés, éventuellement). Le premier à rattraper le fromage, ou par défaut le premier arrivé en bas du champ, gagne le fromage. Les frais d’hospitalisation ne sont pas couverts par l’organisation (33 blessés en 1997).
Enfin si tout cela vous fatigue, lancez-vous sur le Beer Mile, une épreuve qui concilie les deux passions du trailer moyen : courir et boire une bière. C’est une épreuve très codifiée : il s’agit de courir un mile sur une piste d’athlétisme (donc 4 bons tours) en buvant une bière par tour. Le record du monde ? Accrochez-vous : 4’28’’. À consommer, euh pardon courir, avec modération.
Mais pourquoi font-ils ça ?
Et oui, pourquoi se lancer dans de telles épreuves, et même pourquoi les proposer, ces épreuves qui ont l’air de tortures ? Pour le fun, bien sûr, car certaines d’entre elles, par leur aspect décalé, permettent à un public non coureur de se confronter à ce type d’effort – on pense notamment aux Color Run et courses à obstacles. Pour changer, ensuite, pour varier l’effort, les plaisirs, continuer à courir mais différemment, après des années voire des décennies d’une pratique codifiée. Pour explorer son propre corps, son esprit et ses limites enfin, au travers d’épreuves hors normes, sortant des sentiers battus, pensées pour pousser l’humain dans ses retranchements. Et puis parce que ça existe tout simplement : la curiosité n’est-elle pas le propre de l’homme ? Alors, chiche ?
Sébastien Raichon, premier vainqueur de la Chartreuse Terminorum
« Ne vous fixez pas de limites, vivez vos rêves, foncez ! »
Sébastien Raichon
Sébastien Raichon a remporté la 5e édition de la Charteuse Terminorum en juin 2023. C’est le premier vainqueur de cette épreuve de 300K/25000+. Il l’a terminée en 71h26, pour un temps limite de 80 heures. Quatre autres trailers ont terminé l’épreuve en 2023. Avant cette date, la meilleure performance était d’un peu plus de 4 tours. Sébastien Raichon pratique le raid aventure depuis une quinzaine d’années, et est notamment vainqueur du Tor des Glaciers 2022 (450K/32000+).
Pourquoi t’être aligné sur la Terminorum ?
Quand Benoît Laval a lancé la Chartreuse Terminorum, je m’y suis tout de suite intéressé. Je suivais déjà la Barkley depuis quelques années. J’ai observé les premières éditions de la Terminorum, ils avaient du mal à faire plus de trois tours. Je calculais les kilomètres, le dénivelé, et je me demandais si Benoît n’avait pas vu un peu trop difficile ? L’année dernière, j’ai candidaté sur la Barkley, mais Laz ne m’a pas retenu. C’était peut-être le signe que je devais essayer la Terminorum. Quand on regarde la distance, le dénivelé et le temps limite, on constate qu’il faut être à peu près dans le temps du vainqueur du Tor des Géants. Mais en plus de ça il y a l’orientation qui peut te faire perdre du temps. Et jusqu’à présent les conditions météo avaient été assez mauvaises.
Dans quel état d’esprit est-on quand on participe à une course que personne n’a jamais terminée ?
Quand je me présente à une course, c’est pour la finir, pas en me disant « Je ferai du mieux que je peux ». Donc j’y suis allé en me disant qu’il y avait cinq tours à faire, que c’était jouable. Et ça s’est déroulé au mieux : on a eu une météo parfaite. Les deux premiers tours, je suis resté avec des anciens qui connaissaient le parcours, les caches des livres. Dès la fin du deuxième tour j’ai senti que c’était bien parti.
Ce numéro de Forrest parle de pratiques de la course à pied complètement barrées ; comment considères-tu ta propre pratique, ces courses interminables ?
Moi, ce que j’aime, ce sont les efforts au long cours où tu n’es pas en souffrance au niveau cardio, où tu es dans une allure de confort. J’adore arpenter la nature pendant des jours et des nuits, observer les levers et couchers de soleil, découvrir des paysages, la faune, la flore… C’est différent de la majorité des coureurs, mais c’est ce que j’aime, et ma pratique du raid aventure m’a permis de m’adapter à cette pratique, d’appréhender le sommeil, les petites douleurs, les difficultés de parcours…
Justement sur la Terminorum, il n’y avait pas trop cet aspect découverte puisqu’il faut faire cinq fois la même boucle…
Oui c’était une difficulté que j’appréhendais. Mais je ne connaissais pas le massif, et la première fois c’est de jour, la deuxième de nuit. Après en effet c’était plus répétitif. Et tu connais déjà les difficultés à l’avance, tu sais que là tu vas en baver… Je préfère découvrir au fur et à mesure.
Parfois sur ces épreuves très longues, on souffre un peu quand même non ? Des pieds notamment ?
Sur la Terminorum, pas tellement. J’avais tellement souffert des pieds sur ma traversée des Alpes en autonomie que je relativise pas mal par rapport à ça. Non sur la Terminorum, j’ai davantage souffert de l’alimentation. J’ai eu des difficultés à manger sur les trois premiers tours, donc je manquais d’énergie et j’avais des remontées gastriques. Mais mon grand âge fait que j’ai l’expérience pour gérer ces mauvais moments.
Justement, comment faire pour rester motivé, concentré, positif, pendant plus de 70 heures ?
J’aurais du mal à mettre des mots, mais j’ai développé une gestion mentale tout à fait adaptée. J’ai vécu tellement de trucs en raid, en plus avec la gestion des coéquipiers, que j’arrive à me déconcentrer du truc qui ne va pas, je fais le dos rond, j’observe mon environnement, et puis une douleur en remplace une autre et finalement on dépasse vite tout ça.
Benoît Laval a promis de rendre la Terminorum plus difficile face à ces 5 Finishers. Qu’en penses-tu ?
Il a raison. Cette édition a été un vrai test dans des conditions optimales. Et j’avoue que ce qui m’a manqué, c’est cette incertitude par rapport à la barrière horaire de 80 heures. À la fin de la deuxième boucle, je savais que je pouvais le faire. J’avais un peu trop de marge, sachant que je n’étais pas non plus dans la forme de ma vie. Il peut durcir la cache des livres, allonger le parcours, mettre des sentiers plus techniques… Et ça m’obligera à revenir !
Comment passe-t-on de professeur d’EPS à coureur de l’extrême ?
Ce qui est rigolo c’est que j’ai démarré par du 110 et 400 m haies. Mais j’ai une VO2Max très basique. J’y suis allé progressivement, c’est une évolution sur 20 ans basée sur le fait que j’aime être en nature, en montagne, découvrir de nouveaux endroits.
Te sens-tu parfois en danger sur les épreuves auxquelles tu participes ?
Parfois tu es sur des passages où tu te dis qu’il ne faut pas tomber. Les Italiens sont forts pour ça, ils te créent des sentiers dans des passages incroyables, ils mettent des câbles et à toi de te débrouiller. Alors tu serres les fesses. Mais j’ai une grande confiance en ma bonne étoile. Et puis je tiens trop à la vie pour prendre des risques inconsidérés. Et je suis aussi organisateur de raids, j’ai dû gérer des tempêtes, tu dois réguler ton épreuve en pensant à la sécurité des coureurs mais aussi aux problèmes qu’entraînerait une annulation. Il ne faut pas jeter la pierre aux organisateurs, mais plutôt les remercier.
Comment ce que tu fais est perçu par tes proches, par tes élèves ?
Mes élèves me voient comme un extra-terrestre, mais ça me donne une sacrée crédibilité quand je leur demande de courir cinq minutes ! Mes proches me suivent, c’est aussi ce qui me pousse. Tu cours pour toi, mais aussi pour les gens que tu aimes et qui t’aiment.
Finalement, ces courses extrêmes, un peu barrées, n’est-ce pas aussi une manière d’attirer un public qui se lasse et de faire du buzz ? Après tout, si on voulait vraiment créer une course impossible, il suffirait de proposer un cent m avec un délai maximum de neuf secondes non ?
En effet j’étais très surpris de la couverture médiatique que j’ai eue après la Terminorum, même dans des grands médias généralistes, alors que j’avais fait des trucs carrément plus durs dans ma vie. C’est le système de médiatisation actuel… Les organisateurs essaient d’inventer des concepts différents pour exciter les sens, les envies de chacun. Les Backyards tiens : quelle horreur ce concept, courir plus de 80 heures pour le record sur une même boucle de 6 km… Mais je vais m’y aligner dans quinze jours… C’est bien qu’il y ait une immense diversité en course à pied, des barrières qui tombent en termes de distance, de formats, ça permet aux gens de rêver. Mes élèves, je leur dis toujours « ne vous fixez pas de limites, vivez vos rêves, foncez ! » Je pense que tout le monde devrait essayer de vivre au moins une fois un ultra, une épreuve de 30 heures. On apprend des tas de choses sur soi. Ces épreuves, ce sont plus des voyages initiatiques, des introspections. On est un peu sur la piste des grands navigateurs, des explorateurs, des alpinistes. Ce sont des défis personnels que tu peux mettre en œuvre grâce aux organisateurs qui te proposent l’encadrement.