Et dire qu’en 1896, l’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat faisait déjà s’enfuir les spectateurs effrayés par ce tout premier film. Tiens : des gens, de la fuite et une pellicule 35 mm. Le cinéma s’apprêtait à exploiter à volonté le motif de la course. Façon fuite ou façon fun ? Barrés-vous pour, barrés-vous contre, à la poursuite ou à la recherche de ; mais courez la tangente sur grand écran. Entre effroi et jubilation, essai de compilation transversale. Courir…
Courir :
A travers du placoplâtre (et sur une grue) – Casino royale (2006)
Il est comme ça James Bond, impossible de se retenir.
Le chemin le plus court pour se barrer d’un point A à un point B ? Tout casser sur un chantier, à commencer par le BA13 et les jolies bandes calicots.
On a beau le savoir, on aime bien ces scènes inaugurales parce qu’après, il faut tout nettoyer, mais c’est la prod qui s’en charge.
Existe aussi en version Fête des Morts dans Mexico (Spectre, 2015).
Après ou vers sa (vraie) vie – L’auberge Espagnole (2006)
Possible que Romain Duris ait inspiré une tripotée d’aspirants fonctionnaires à Bercy. Xavier était promis à une belle carrière tranquille au sein du Ministère des Finances. Oui mais voilà : Erasmus, Barcelone, et badaboum. Spoilons un peu mais à voir Duris laisser ses ex-futurs collègues devant la machine à café pour sprinter vers sa nouvelle/vraie vie, nous aussi, nous avons pris une sacrée décision. À l’époque.
Contre le dictateur – et avant d’être aussi fou que lui – Pink Floyd : The Wall (1982)
Pink va mal mais la musique est bonne. Pink, c’est Bob Geldof, et Bob supporte difficilement les drogues que son médecin lui a administrées. Dans une hallucination disco-parano, Pink voit l’arrivée des Marteaux Croisés au pouvoir et annonce son apogée de dictateur. Rogers Waters hurle, les riffs de David Gilmour cognent, et les synthés de Richard Wright nous rappellent que Roland n’est pas qu’un vieux prénom.
Devant une grosse pierre qui roule très vite (et pour sauver ses métatarses) – Indiana Jones et les aventuriers de l’Arche perdue (1981)
Métatarses, bonbons et vie tout court, Harrison Ford sauve tout ce qu’il a de plus précieux en un subtil exercice de Parkour, dans une caverne amazonienne. À ses trousses, la boule (et pas version SM), l’énorme, en pierre, qui roule et jamais n’amasse mousse. 1er volet des blockbusters Spielberg-Lucas, ces Aventuriers de l’Arche Perdue livrent une scène collector dont les bousiers restent en 2023, les plus grands fans. Existe aussi sur le toit d’un train pendant la 2e guerre mondiale – dans le sens de la marche (Indiana Jones et Le Cadran de La Destinée, 2023).
D’un périph’ à l’autre, pour rester libre – Ne le dis à personne (2006)
À la découverte de cette scène, la critique avait été bluffée par cette cascade à pied, et abondamment titré : « traversera ou pas ? ». Alex Beck est pédiatre et n’a pas tué sa femme, mais allez l’expliquer à une ribambelle de flics aux mains pleines de preuves. Une seule alternative (expression erronée) : traverser. Et fi des carambolages : les assurances, c’est fait pour ça. Si tu veux pouvoir prouver ton innocence, déjà, barre-toi.
De bloc en bloc – Yamakasi (2001)
Baseball, l’Araignée, Belette, Zicmu, Rocket, Tango, Sitting-Bull. 7 justiciers des temps modernes prêts à courir en sautant partout et très très haut pour sauver Djamel. Bon d’accord, arrêtons là, mais un film inratable avant d’envisager l’option Parkour au BAC. Respect pour la performance athlétique des acteurs, et d’une course atypique qui a ses lettres de noblesse.
Parce qu’un mime, c’est con. Mais alors 8 mimes – La cité de la peur (1994)
Et parce que la scène fait désormais partie du panthéon comique français. Un flic, une diarrhée, et 8 mimes au chômage. Anthologique comme leur slogan : « Non au cinéma parlant » (Comité des Mimes au Chômage). La barrance potache façon Chabat et Les Nuls.
Sur un tapis avec son Ipod – Burn after reading (2008)
À voir Brad Pitt en coach niais, mèche blonde et bubble gum, on se dit que plus jamais nous n’écouterons les conseils de Jérôme-votre-conseiller-fitness qui nous raconte sa session de force pure de la veille. Lorsque-les-derniers-clients-sont-partis, et pour bosser la sèche. Nous, on essaie juste d’assurer la séance de VMA prévue au planning alors qu’il fait -11°C dehors. Chad Feldheimer n’est pas finaud mais Pitt sublime sa foulée sur tapis.
À poil et après sa fiancée (à poil aussi) – Les poupées russes (2005)
Donc passé par l’Auberge Espagnole, Erasmus et Barcelone, et donc désormais nègre à autobiographies, Xavier (Romain Duris) ose donc courser la belle Neus après une sacrée engueulade dans l’appartement. Paris mate, c’est l’été, deux lunes sur le boulevard et nous qui songeons à reprendre la fac.
Dans un temple, sous la banquise, coursé par Predator (all inclusive) – Alien VS Predator (2004)
Tout de même, ça nous fait une longue liste de blockbusters aux scènes de course qui datent des années 2000 ? Mais difficile de ne pas virer paranoïaque en revisionnant cet Alien VS Predator. Barré sans aucun doute, à grand renfort de sauce Hollywoodienne. Pour vous faire courser par Alien : tapez 1. Par Predator : tapez 2.
Sous la banquise, mais à poil – Atanarjuat (2001)
Poésie des vastes espaces vierges, blanc sur blanc d’une banquise immaculée, ode à la persévérance et à l’humanité authentique des hommes du bout du monde, chant d’amour à…Stop. Atanarjuat, c’est « l’homme rapide » qui court tout nu sur la banquise. Désormais, l’image ne vous quittera plus. Et nous voulions awarder un film canado-inuit qui parle d’Igloolik. Sincèrement, superbe.
Pour voyager léger – Le Seigneur des Anneaux (2001)
Qui n’a jamais, mais alors jamais pensé à lancer cette phrase au beau milieu d’une rando : « mes amis, voyageons léger ! » (allons chasser de l’orc). Aragorn a la classe, surtout lorsqu’il parvient à fédérer un elfe et un nain (non il n’est pas gros-Legolas) pour partir courir en forêt. Si tu tiens à tes amis, montre-leur. Et barre-toi les sauver.
Sur des singles tracks et pour la liberté – pas pour des Running Stones – Le dernier des Mohicans (1992)
Vangelis aura marqué l’histoire du cinéma, de la musique instrumentale, et de la course à pied. Les trois sont réunis dans le Dernier des Mohicans lorsque Daniel Day Lewis fait le choix d’oublier son index UTMB pour « simplement profiter et partager » comme on dit en trail, sur les sentiers ricains. Une photo sublime, un futur générique d’UTMB, et des monotraces à tomber par terre. Quelle proprioception !
Par amour des gilets de cuir et de la série Z – Les guerriers de la nuit (1979)
Walter Hill se sera donc risqué à marier le running de fuite, la baston de rue, le gilet en sky et le torse imberbe. Oubliez le synopsis (les Gramercy Riffs dirigés par Cyrus désirent unifier tous les gangs, Cyrus est tué, on pense à un sale coup des Warriors.
Vengeance ! La lutte pour la survie débute sur 40 km de jungle urbaine) mais retenez ces foulées chaloupées et transpirantes. Ci-git un exemple de running au cinéma.
Pour se faire du bien – A most violent year (2014)
Le sous-pull laine de 1981, le jogging coton, le froid New Yorkais et la classe en tout. Et puis ce Marvin Gaye somptueux : sur une pellicule soyeuse à souhait, JC Chandor illumine les footings d’Oscar Isaac, jouant un petit patron en pleine ascension confronté aux affres de la corruption. À voir et revoir, surtout en hiver.
Par amour du 42K mais aussi pour semer un méchant – Marathon Man
Parce qu’il est un mythe dans la cinémathèque running. Parce que Dustin Hoffman y joue un Babe dont on sent l’affûtage aussi nerveux qu’athlétique, et que cet état de fébrilité pré-marathon a rarement été aussi bien exprimé. Parce que l’on ne sait pas vraiment qui court après l’autre, et que le tour du lac de Central Park est le plus angoissant des cadres pour une course-poursuite trouble.
Dans les rues du Caire ou dans un poulailler – OSS 117, le Caire, nid d’espions (2007)
Il y a l’humour, Dujardin, et il y a cette photo. Entre bleu, blanc et noir d’une nuit égyptienne, et autres réceptions où il découvre le gratin (de) cairote, Hubert Bonisseur de La Bath se retrouve au clair de lune à courser le vilain dans un dédale de ruelles. L’un fuit, l’autre poursuit, et l’anti-héros déboule dans un poulailler de la Société Cairote d’Élevage de Poulets. Cours, Hubert, cours.
Pour échapper à la Brigade des Églises – Un drôle de paroissien (1963)
Si Jean-Pierre Mocky n’a pas commis que des chefs-d’œuvre, il aura eu le mérite de faire courir Bourvil à l’occasion d’une scène passée à la postérité. Mais pourquoi Georges Lachaunaye fuit-il ? Parce que ce fils de catholiques désargentés a trouvé l’idée pour renflouer les caisses (et redorer le blason) familiales : piller le tronc des églises. Sous la férule de l’inspecteur Cucherad (Francis Blanche), la Brigade des Églises se lance à ses trousses.
Bonus : pour fuir ces fumiers de colons blancs
Venus dire à l’homme américain qu’il n’était pas assez rentré dans l’histoire. Et d’ailleurs, qu’il n’y rentrerait jamais. Allez, on met les écouteurs, on se barre, et à bas notre ex-seuil ventilatoire 2 qui peut se faire du souci.
RUN TO THE HILLS, IRON MAIDEN (1982, album The Number of the Beast)